Mieux comprendre la lombalgie chronique pour mieux la traiter en physiothérapie
Rev Med Suisse 2014;265-266
Identifier formellement l’étiologie d’une douleur lombaire est un challenge difficile. Ses origines peuvent être nombreuses et variées, voire interactives et dépendantes. Ceci explique certainement les résultats aléatoires des traitements et la fréquence des récidives, d’où les multiples propositions thérapeutiques offertes aux patients lombalgiques chroniques.
Quelle que soit l’origine de la lombalgie, le contexte musculo-conjonctif de la colonne vertébrale en est affecté. Les répercussions musculaires sont immédiates, prouvées par de nombreuses publications scientifiques1 ,2 et nécessitent une intervention de la part du physiothérapeute. Les revues bibliographiques et recommandations internationales sont unanimes pour recommander en priorité une approche musculaire chez les lombalgiques chroniques.3 –6 Quelle que soit la thérapeutique utilisée, il paraît difficile d’obtenir, dans la très grande majorité des cas, des résultats efficaces et durables sans une régularisation et une réharmonisation musculaires.
Mieux comprendre l’anatomo-physiopathologie de l’environnement musculaire et de la stabilité du rachis permet une approche raisonnée de prise en charge des patients lombalgiques. Vulgarisée et communiquée au patient, elle offre une adhésion de celuici, indispensable à sa propre prise en charge.
Stabilité vertébrale
La stabilité vertébrale est la base de l’indolence. Au niveau lombaire, les structures osseuses, discales et ligamentaires supportent l’ensemble des contraintes du tronc et des membres supérieurs. Elles sont insuffisantes pour stabiliser l’ensemble du tronc tant dans la posture que dans la mobilité. Le recours à un gainage musculaire organisé selon un modèle mécanique en poutre composite est indispensable. L’ensemble des muscles vertébraux connexes postérieurs (multifides, longissimus et ilio-costaux), latéraux (psoas, carrés des lombes) et antérieurs (piliers du diaphragme) constitue un premier niveau de stabilisation. Le second est assuré par les muscles abdominaux et principalement le transverse (figure 1 ). La contraction simultanée de cet ensemble est le point fondamental de la stabilité vertébrale.
Extensibilité musculo-conjonctive
La restriction d’extensibilité du plan musculo-conjonctif postérieur de la colonne vertébrale est un facteur de tassement par tension sur les courbures vertébrales. La forte présence de tissu conjonctif sous forme de lames de recouvrement tendineux sur les muscles longissimus contribue largement à cet effet (figure 2 ). Ce tissu conjonctif de recouvrement participe à l’activité musculaire frénatrice excentrique de protection lors des nombreuses flexions antérieures du tronc. Cette action positive est malheureusement entachée par une propension à la rétraction du tissu conjonctif. L’adaptation musculaire à la morphologie posturale, en réponse à une activité professionnelle ou sportive répétée ou à la douleur, diminue la longueur des muscles. Cette rétraction augmente les contraintes de compression sur les disques vertébraux et sur les processus articulaires postérieurs interposés.
Une disposition conjonctive identique est retrouvée en souspelvien sur les muscles semi-membraneux et biceps fémoraux, constituant la chaîne musculaire postérieure. Les rétractions musculaires sous-pelviennes restreignent la mobilité du bassin, imposant alors une surcharge de travail à la colonne lombaire.
Dans un contexte pathologique d’irritation des racines nerveuses, l’hypoextensibilité des tissus musculo-conjonctifs peut également être d’origine neurogène exacerbant la protection neuro-sensible des tissus collagènes liés aux muscles.
Physiopathologie Musculaire de la Lombalgie
Les interactions muscles/lombalgies sont nombreuses et assez bien identifiées par les publications depuis une quinzaine d’années. Il est préférable de parler d’interactions, ne pouvant affirmer si c’est la déficience musculaire qui entraîne la lombalgie ou l’inverse. Le constat porte sur les désorganisations musculaires des patients lombalgiques. Ces modifications sont volumiques (atrophies), histologiques, métaboliques, neuromusculaires et d’extensibilité.
Ces perturbations se traduisent par une mise en veille de certaines fibres musculaires, des perturbations neuromotrices avec perte du contrôle automatique,7 une diminution de la capacité de sommation des unités motrices et surtout une perte des qualités endurantes du muscle ainsi qu’une augmentation des contraintes articulaires. Ces déséquilibres génèrent lors de la posture et des activités vertébrales un mauvais contrôle des articulations vertébro-discales. Les sollicitations cinésiologiques anormales sur la ou les structures anatomiques lésées sont la source d’un auto-entretien de la douleur.
L’appauvrissement de l’information proprioceptive chez les lombalgiques est également un facteur de perte de prise de conscience de la détérioration de la posture et donc de sa capacité d’autocorrection.
Rôle de la physiothérapie
Dans ce contexte de douleurs chroniques, le rôle du physiothérapeute est prépondérant dans sa capacité d’évaluation des fonctions musculaires, d’éducation du patient et d’autonomisation de celui-ci avec les exercices personnalisés, adaptés à ses propres déficiences.
Les connaissances anatomo-physiopathologiques décrites ci-dessus lui permettent :
- d’évaluer l’extensibilité du plan vertébral postérieur et des muscles sous-pelviens ;
- d’évaluer les capacités motrices vertébrales ;
- d’évaluer l’organisation posturale ;
- de proposer les exercices articulaires, de tonification et d’étirement appropriés dans un but d’autorééducation ;
- de participer à l’éducation thérapeutique.
Les orientations actuelles dans la pratique physiothérapique pour les patients lombalgiques chroniques reposent sur une priorité musculaire avec étirements et tonification en cocontractions (contractions simultanées des muscles vertébraux et abdominaux) en position physiologique.8 L’importance de l’autonomisation des patients concourt à un double aspect thérapeutique et économique.
- ↑ Freeman MD, Woodham MA, Woodham AW.. The role of lumbar multifidus in chronic low back pain : A review. PM R 2010 (2) [Medline]
- ↑ Kalichman L, Hodges P, Li L, Guermazi A, Hunter DJ.. Changes in paraspinal muscles and their association with low back pain and spinal degeneration : CT study.. Eur Spine J 2010 (19) [Medline]
- ↑ Chou R, Qaseem A, Snow V, et al. Diagnosis and treatment of low back pain : A joint clinical practice guideline from the American College of Physicians and the American Pain Society.. Ann Intern Med 2007 (147) [Medline]
- ↑ Hayden JA, Van Tulder MW, Tomlinson G.. Systematic review : Strategies for using exercise therapy to improve outcomes in chronic low back pain.. Ann Intern Med 2005 (142) [Medline]
- ↑ Henrotin Y, Roznberg S, Balagué F, et al. Recommandations européennes (COST 13) en matière de prévention et de prise en charge de la lombalgie non spécifique.. Rev Rhum 2006 (73)
- ↑ National Institute for Health and Clinical Excellence. Low back pain early management of persistent non-specific low back pain. 2009 [Medline]
- ↑ Fayt C.. Détérioration du contrôle moteur dans les lombalgies chroniques. Mécanismes cérébraux..Kinesither Rev 2010 (108)
- ↑ Ribeyrolles C, Chatrenet Y, Kerkour K, Viel E.. Entraînement en redressement axial chez les lombalgiques chroniques.. Kinésithérapie Rev 2006 (50)
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