Entorse grave du genou : quelle intervention et pour qui ?
Rev Med Suisse 2009;1546-1550
Résumé
Lors de la survenue d’une entorse du genou, des éléments d’anamnèse et d’examen clinique permettent de suspecter puis de poser le diagnostic. Ainsi, l’association d’un craquement, d’une hémarthrose et d’une fausse mobilité signifie entorse grave.
La prise en charge initiale du genou traumatique est essentielle car elle conditionne le bon choix du traitement. Les lésions méconnues ne guérissent souvent pas de manière optimale et ouvrent la voie à de nouveaux accidents, synonymes de gêne fonctionnelle et de handicap.
Introduction
En Suisse, le ski et le football sont les sports les plus dangereux lorsqu’on considère la traumatologie du genou. L’ensemble des accidents du genou représente environ 8% des statistiques de la LAA. Il est donc important de rappeler les notions de base permettant de prendre en charge correctement les patients victimes d’entorses du genou.
La stabilité du genou est assurée par quatre ligaments : le ligament croisé antérieur (LCA) et le ligament croisé postérieur (LCP) constituent le pivot central à l’intérieur de l’articulation, alors que le ligament latéral interne (LLI) et le ligament latéral externe (LLE) se trouvent en périphérie.
Les ménisques amortissent les chocs, répartissent les contraintes et ont un effet de cale entre fémur et tibia.
Anatomopathologie
Le LCA est la première ligne de défense du genou et se trouve impliqué dans la majorité des entorses touchant cette articulation. Comme sa vascularisation est fragile, son potentiel de cicatrisation n’est pas très élevé et une insuffisance ligamentaire apparaît souvent comme séquelle d’une déchirure.
Le LCP, protégé par le LCA, est beaucoup moins touché et a un meilleur potentiel de cicatrisation en raison d’un plus gros volume et d’une meilleure vascularisation.
Le LLI se compose de deux faisceaux, dont le superficiel, mince et grêle, est plus vulnérable que le profond, court et plus épais qui a des connexions avec la partie moyenne du ménisque interne. Ce ligament est très exposé à la face interne du genou qui s’ouvre dans le mécanisme le plus souvent cité des entorses : le valgus-rotation externe. Il possède une bonne vascularisation qui assure la cicatrisation de la majorité des lésions. Ce n’est pas le cas du LLE, tendu entre fémur et péroné, qui ne cicatrise pratiquement pas spontanément. Les entorses externes sont heureusement rares.
Les ménisques sont vascularisés dans leur tiers périphérique et des déchirures ou des désinsertions à ce niveau peuvent cicatriser. Par contre, plus les lésions s’approchent du bord libre au centre de l’articulation et plus elles sont irréversibles, car la vascularisation est précaire puis s’arrête à ce niveau. Les ménisques sont surtout sollicités et lésés dans leur partie postérieure qui est soumise à de fortes contraintes lorsque le genou travaille en flexion. Le tissu méniscal perd de sa teneur en eau avec l’âge et devient donc plus fragile avec le temps.
Étiopathogénie
Quatre mécanismes d’entorse sont décrits au niveau du genou. Le plus fréquent associe valgus-flexion-rotation externe et touche LLI, ménisque interne et LCA. Le mouvement inverse se fait en varus-flexion-rotation interne et touche LLE et LCA. Une hyperextension peut déchirer le LCA. Le LCP, quant à lui, est lésé lorsque le tibia, atteint par un choc direct antérieur, recule sous le fémur. Ces mouvements peuvent aussi se combiner et aggraver le tableau lésionnel, surtout lors d’un traumatisme à haute énergie. Le stade ultime et le plus grave des entorses est la luxation du genou qui déchire l’ensemble capsulo-ligamentaire, désolidarisant la jambe de la cuisse et peut hypothéquer la survie de la jambe par une lésion vasculo-nerveuse.
Les ménisques sont lésés dans certaines entorses, mais se déchirent le plus souvent lors de mouvements de flexion forcée-rotation.
Un épanchement traumatique contient du sang et constitue une hémarthrose. Dans 80% des cas, la présence d’une hémarthrose signifie la déchirure du LCA. Une déchirure méniscale périphérique ou une fracture ostéochondrale forment les 20% restants.
Signes cliniques
Lors d’une entorse du genou, le patient peut ressentir un craquement qui correspond à une lésion anatomique. La survenue d’un épanchement post-traumatique doit faire penser à une hémarthrose causée par la lésion anatomique. La palpation des insertions ligamentaires, des interlignes articulaires et la recherche d’une fausse mobilité sont les points essentiels de l’examen clinique. Différents tests méniscaux et ligamentaires sont à même de préciser le diagnostic. Le test de Lachman permet de diagnostiquer une lésion du ligament croisé antérieur : il s’agit de rechercher un tiroir antérieur du tibia sous le fémur, le genou se trouvant à environ 20° de flexion (figure 1).
Pour la recherche de lésion méniscale, ce sont les tests de Mc Murray et Apley qui sont les plus connus.
Un épanchement sous tension augmente la douleur et il faut parfois le ponctionner pour mieux examiner le genou. Une hémarthrose sans graisse témoigne d’une lésion ligamentaire et capsulaire. Des lobules graisseux dans l’hémarthrose signalent une effraction osseuse.
L’amplitude articulaire est diminuée, en particulier l’extension. Il faut être très attentif au déficit d’extension qui traduit l’interposition d’un élément articulaire déchiré entre le condyle fémoral et le plateau tibial. Il s’agit souvent d’un fragment de ménisque déchiré.
Bilan complémentaire, imagerie
Trois incidences radiologiques font partie du bilan obligatoire en cas d’entorse du genou : face, profil et axiale de rotule (figure 2 A, B).
L’IRM est un excellent moyen de mettre en évidence les déchirures méniscales, les lésions ostéochondrales occultes et les contusions osseuses. Elle est indiquée dans les situations complexes où l’examen clinique et le bilan radiologique classique ne permettent pas de poser un diagnostic précis.
L’arthromètre mesure de manière très précise l’excursion antéro-postérieure du genou. L’arthroscopie permet de visualiser toutes les structures intra-articulaires et de les palper, mais c’est un acte chirurgical dans lequel plusieurs lésions peuvent être traitées et non seulement un acte diagnostique.
Diagnostic
L’association craquement-hémarthrose-fausse mobilité permet de poser le diagnostic d’entorse grave du genou.
Classification
On peut distinguer deux stades principaux d’accidents ligamentaires et méniscaux :
• l’entorse simple, dont les lésions sont susceptibles de guérir complètement avec un traitement conservateur.
• L’entorse grave qui nécessite un traitement chirurgical. Par exemple, la déchirure du LCA, qui est la lésion la plus fréquente en traumatologie du genou, ne peut pas guérir sans intervention chirurgicale. Certaines lésions méniscales ont un meilleur pronostic de cicatrisation lorsqu’elles sont opérées.
Diagnostic différentiel
Les lésions suivantes doivent être considérées :
- fracture : d’un condyle fémoral, d’un plateau tibial, du massif des épines tibiales, de la tubérosité tibiale antérieure, de la rotule ;
- lésion chondrale ;
- rupture tendineuse : quadriceps, tendon rotulien.
Pronostic
L’avenir du genou après entorse dépend de la précision du diagnostic et donc de l’adéquation du traitement proposé. Par exemple, si le diagnostic de déchirure du LCA n’est pas posé correctement, le risque de lésion méniscale ou cartilagineuse, consécutive à la laxité post-traumatique, est grand.
Traitement
Pour les entorses simples, l’immobilisation en attelle amovible et une décharge partielle, de durée symptomatique, sont indiquées. La physiothérapie est recommandée rapidement.
Les entorses graves se présentent sous plusieurs formes :
• une luxation du genou doit être réduite d’extrême urgence en raison des risques vasculo-nerveux qu’elle fait courir. L’examen vasculaire indique alors si un geste de chirurgie vasculaire est nécessaire. La réparation des lésions ligamentaires associées dépend de l’âge et de l’état du patient au moment de l’urgence.
• La déchirure du LCA n’est plus considérée comme une urgence chirurgicale et on préfère aujourd’hui faire une reconstruction différée. Plusieurs techniques chirurgicales sont à disposition comme par exemple l’utilisation d’une greffe autologue du tiers central du tendon rotulien ou des tendons des ischio-jambiers.
On diminue ainsi le risque d’arthro-fibrose qui complique sérieusement la chirurgie ligamentaire pratiquée en urgence. Le même principe s’impose pour les lésions complètes du LCP. Le LLI peut être traité conservativement dans la plupart des cas, alors que les rares lésions du LLE sont de préférence opérées rapidement. L’association de plusieurs lésions ligamentaires nécessite, en général, une approche chirurgicale.
• Les lésions méniscales peuvent toutes, en principe, être traitées par chirurgie arthroscopique, qu’il s’agisse de résections ou de sutures-réinsertions.
Évolution
L’avenir du genou traumatisé dépend de la restauration de sa stabilité ligamentaire et de la quantité de ménisque resté intact, ou conservé, réparé et cicatrisé.
Une laxité résiduelle et l’absence de ménisque entraînent d’autres lésions, en particulier chondrales, et favorisent le développement d’une arthrose post-traumatique qui deviendra rapidement gênante.
Controverses
L’indication à la reconstruction chirurgicale du ligament croisé antérieur doit être basée sur les demandes physiques et sportives du patient ainsi que sur sa personnalité. Mais les patients jeunes et actifs devraient rapidement bénéficier d’une reconstruction du ligament croisé antérieur, afin de préserver leur capital méniscal, principal facteur déterminant le pronostic fonctionnel du genou à moyen et long terme.1,2-8 Seules les lésions cartilagineuses focales, aiguës et traumatiques sont susceptibles d’être traitées par une transplantation ostéochondrale en mosaïque ou par une greffe de chondrocytes autologues. A ce jour, l’efficacité de la greffe de chondrocytes autologues n’a jamais été démontrée dans le traitement de l’arthrose post-traumatique et cette technique ne peut être recommandée dans le traitement de l’arthrose en général (figure 3).
Ce qu’il faut retenir
Lors d’une entorse du genou, la priorité est de poser un diagnostic précis qui conditionne le choix du traitement et donc l’avenir de l’articulation. Les entorses simples guéris sent avec un traitement symptomatique. Les entorses graves, avec hémarthrose, correspondent le plus souvent à une déchirure du ligament croisé antérieur et nécessitent un traitement chirurgical.
Implications pratiques
> Dans l’évaluation du genou traumatisé, l’examen clinique occupe une place centrale et est toujours réalisable
> L’association craquement-hémarthrose-fausse mobilité permet de poser le diagnostic d’entorse grave du genou
> L’imagerie du genou comprend trois incidences radiologiques : face, profil et axiale de rotule à 30° et éventuellement une IRM
> Les entorses bénignes bénéficient généralement d’un traitement conservateur et fonctionnel, alors que les entorses graves sont opérées
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Bibliographie
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Abstract
After a knee sprain, some anamnestic and clinical elements may suspect and eventually establish the diagnosis. The association of a crack, an hemarthrosis and a knee joint laxity correspond to a severe sprain.
The initial management of a traumatic knee is essential because it leads to the good treatment option. Misdiagnosed lesions often do not heal optimally and induce new traumas synonymous of functional impairment and handicap.
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